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Biographies résumées

UNE JEUNE FILLE MODÈLE

Par 9 janvier 2016juin 21st, 2019No Comments
UNE PÉTROLEUSE DES SERVICES DE SÉCURITÉ

Quelle est l’utilité sociale d’une pétroleuse des services de sécurité ?

Voici l’édifiante histoire d’une jeune fille modèle, qui se croit investie d’une mission de justicière.

Elle n’est plus très jeune, mais toujours pomponnée. Un aveugle peut la repérer grâce à son parfum aux senteurs capiteuses, qu’elle utilise sans modération. Elle commence à boitiller, mais on ne le remarque pas trop. Ceux qui s’en aperçoivent lui parlent de la pluie et du beau temps, ou des charges de copropriété.

Depuis plus de quinze ans, cette jeune fille modèle habite au cinquième étage, peu importe de quelle copropriété, peu importe de quel boulevard. Elle habite au cinquième étage, nous n’avons pas besoin d’en savoir plus. (L’ascenseur a été rénové à deux reprises, avec son accord : ce n’est pas elle qui paie la facture, mais certains de ses voisins, qu’elle prend pour des niais.)

Elle est très distinguée, ou croit l’être. Elle apprécie la politesse, qui crée une distance dont elle a besoin. Mais il ne faut pas se fier à son ton doucereux : elle a une opinion toute faite sur tout et sur tous, et ne fait pas de cadeaux.

Elle aime l’ambiance si conviviale du garage souterrain de sa copropriété : aussi, s’y réunit-elle le plus souvent possible avec ses admirateurs du conseil syndical. Quand la réunion est terminée, elle se dirige en boitillant vers l’ascenseur qui a déjà été rénové deux fois aux frais d’autrui, et elle retourne se pomponner au cinquième.

Personne ne l’a jamais vu travailler, ni comme salariée, ni à son propre compte. Quand on travaille, on transpire, le parfum perd ses tonalités capiteuses : il vaut mieux laisser travailler les autres. Elle a toujours été rentière : c’est le plus beau métier du monde, à défaut d’être le plus ancien.

Elle a beaucoup de temps libre, part en vadrouille tous les après-midis avec sa voiture noire dont elle aime faire grincer la boîte de vitesses, soit par coquetterie, soit par défi, ou peut-être parce qu’elle n’est pas capable de s’en servir. Elle a quelques amies, peu d’amis, observe discrètement ses connaissances, qui auraient pu être des collègues. À son retour de promenade, en faisant grincer la boîte de vitesses, elle gare sa voiture noire au capot décoré de deux chevrons chromés, puis monte au cinquième étage et fait son compte-rendu quotidien à son agent traitant.

Elle admire les nazillons, surtout ceux qui se déplacent dans de luxueuses voitures immatriculées en Allemagne ou en Autriche, décorées avec des macarons qui donnent l’avertissement « Achtung ! Dieses Wagen ist satellitenbeschützt ! » Dans les années cinquante et soixante, beaucoup d’anciens nazis ont pu faire une belle carrière au sein du B.K.A., et traquer les voleurs de mobylettes avec cette intrépidité qui leur avait valu d’être relaxés par le tribunal de Nuremberg. Les anciens contrebandiers font les meilleurs gabelous : c’est ce qu’elle admire chez les nazillons.

C’était l’histoire édifiante d’une jeune fille modèle, qui aime se pomponner, qui admire les justiciers aux voitures luxueuses, et qui n’a jamais eu besoin de travailler parce qu’elle est une pétroleuse des services de sécurité. C’est aussi un thème de méditation pour les décideurs qui s’imaginent qu’on peut défendre la démocratie avec les méthodes du national-socialisme.

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