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Biographies résumées

UN VÉNÉRABLE VIEILLARD

Par 8 février 2016juin 21st, 2019No Comments
UN RÉSISTANT DU 7 MAI 1945

Lorsque Friedrich PAULUS capitula à Stalingrad, quelques esprits clairvoyants murmurèrent : « le vent a tourné ». D’autres sont devenus clairvoyants bien plus tard, même encore la veille du 8 mai 1945.

Voici l’édifiante histoire d’un ancien résistant.

C’est un vénérable vieillard. On lui donne quatre-vingt-quinze ans, et il les a certainement. Aujourd’hui, il lui faut une canne pour trottiner le long de l’immeuble, de « son » immeuble, escorté de son garde du corps. En septembre 1939, il était un fringant jeune homme d’une vingtaine d’années ; alors, il n’avait pas besoin de canne, il galopait comme un lapin.

Depuis plus de quinze ans, il habite au deuxième étage, peu importe de quelle cage d’escalier, peu importe de quelle copropriété, peu importe de quel boulevard. Il habite au deuxième étage, nous n’avons pas besoin d’en savoir plus. (Au même étage de sa cage d’escalier, habite une jeune fille de son âge ; elle n’a nul besoin de canne, et s’exhibe parfois sur son balcon en tenue légère, pour l’édification des enfants de la copropriété ; une obstétricienne retraitée lui sert désormais de femme de ménage).

Il a été décoré plusieurs fois pour ses actions d’éclats, accomplies dans ce court délai de vingt-quatre heures. Mais il est modeste : il ne porte jamais ses décorations. Elles sont soigneusement rangées dans un tiroir de son secrétaire en merisier ; il ne les montre qu’à ses visiteurs, un petit sourire aux lèvres. L’admiration sans bornes de ses voisins lui suffit, celle de son syndic préféré surtout.

Dans « son » immeuble, il y a trois éminents vieillards par cage d’escalier, afin d’accréditer la fiction d’un « immeuble de retraités ». Comme les autres vieillards de « son » immeuble , il se porte garant du syndic de la copropriété, approuve ses appels de fonds trimestriels extrêmement artistiques et ses comptes fantastiques qui valent bien ceux du baron HAUSSMANN. Depuis le balcon de sa copine du même étage, il peut observer les voisins de l’autre côté de la cour intérieure, surtout ce drôle de type qui ne parle que de droits de l’homme et autres billevesées. Ce jeunot, on voit bien qu’il n’a pas fait la guerre, pas même pendant vingt-quatre heures. D’ailleurs, pourquoi les collègues et leur notaire attitré ont-ils piégé ce gars dans « notre » immeuble ?

Son agent traitant est mort il y a une décennie déjà, et il ne rencontre le remplaçant que de temps à autre : son grand âge lui épargne la corvée du rapport quotidien. Il est au courant, bien sûr, pour le vandalisme dans le parking souterrain, pour les appels de fonds truqués du syndic, pour la garde à vue qui avait duré six mois en 2004, pour la torture électromagnétique, et pour tout le reste. Depuis qu’il habite dans « son » immeuble, il a vu et entendu beaucoup de choses.

Mais il n’est plus très bavard : marcher le fatigue, parler encore plus. Même si un juge lui posait un jour des questions indiscrètes, il saurait se taire ; il ne dénoncera pas ses copains, ses collègues et ses complices, on peut compter sur son silence. Un jour, peut-être proche, plus personne ne pourra lui poser de questions. Ça se passe comme ça, dans les services de sécurité d’un État de droit !

C’était l’histoire édifiante d’un vénérable résistant du 7 mai 1945, qui a cassé du boche pendant vingt quatre heures. C’est aussi un thème de méditation pour ceux qui se méfient des imposteurs trop arrangeants envers les syndics de pacotille.

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