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RAPPORT DE POLICE DU 15 NOVEMBRE 2001

Le rapport de police daté du 15 novembre 2001, signé par le gardien de la paix Patrice COCHERE, est adressé au juge d’instruction Nicole BARATIN, sous couvert de son supérieur hiérarchique, Mme MORIN-PAYE, commissaire chargé de la circonscription de Maisons-Alfort. Ce rapport, intitulé « Rapport d’information suite à la convocation de M. Charles PETER », présente la deuxième version officielle du Ministère de l’Intérieur.

Ce rapport a été rédigé le lendemain de la garde à vue.

Le gardien de la paix COCHERE confirme qu’il a adressé une convocation le 13 novembre 2001 à 10 heures pour « le jour même, avant 19 heures », la convocation ayant été déposée dans la boîte aux lettres « par les effectifs locaux » et que le motif invoqué était « convocation » (!).

Apparemment, le gardien de la paix COCHERE ignorait que j’exerce une activité professionnelle et que je rentre à mon domicile bien après 19 heures, heure de fermeture du commissariat. Il ne pouvait deviner, bien entendu, que je ne prendrais connaissance de sa convocation qu’après l’heure fixée et que je ne pourrais pas venir.

Quant au motif invoqué (« convocation »), il est malheureusement toujours en usage alors que, depuis fort longtemps, existe une obligation légale de motiver véritablement les convocations de police (sans mentionner l’obligation de respecter la convention européenne des droits de l’homme).

Par comparaison avec le rapport de police du 14 novembre 2001, nous voyons que, d’un jour à l’autre, l’individu « au comportement suspect » (en page 1 du rapport de police du 14 novembre 2001), déjà promu « mis en cause » (en page 2 du rapport de police du 14 novembre 2001), est à nouveau monté en grade : il a été promu « intéressé » (rapport de police du 15 novembre 2001), ce qui est tout de même mieux que d’être le suspect n° 1 dans une affaire de « valise à roulettes »…

Selon le rapport de police du 15 novembre 2001, la convocation du 13 novembre 2001 émane du gardien de la paix COCHERE. Elle est motivée par une demande de Mme Nicole BARATIN, à l’époque juge d’instruction au tribunal de grande instance de Créteil.

Le rapport précise que « l’intéressé » avait un « comportement (…) très particulier ». Pour quelles raisons « l’intéressé » avait-il un « comportement très particulier » ?

Selon les apparences, parce que « l’intéressé tenait d’une main une valise à roulettes et de l’autre un téléphone portable ». Heureusement pour la police, « l’intéressé » n’avait que deux mains. Quel aurait été le contenu du rapport si la police avait arrêté par mégarde un extra-terrestre ?

En page 2 du rapport de police, le gardien de la paix COCHERE aurait « [décliné son] nom, [sa] qualité et [exposé] les motifs de [sa] convocation à l’intéressé ».

Le gardien de la paix COCHERE envisageait lui aussi d’entamer des études de médecine (j’ignore s’il a pu mettre son projet professionnel à exécution), puisqu’il a posé avec assurance un diagnostic médical similaire au diagnostic posé la veille par son collègue : l’intéressé lui a « semblé ne pas jouir de l’intégralité de ses facultés mentales ».

Mais le gardien de la paix COCHERE a aussitôt précisé, avec modération : « Toutefois, il ne présentait pas de signe laissant penser qu’il pouvait être dangereux pour lui-même ou pour autrui ».

L’incident, je le rappelle, s’est produit vers 19h30, en novembre : il faisait nuit à ce moment-là. Il est donc étonnant que le gardien de la paix COCHERE ait pu poser un diagnostic médical aussi précis dans l’obscurité.

Finalement, le dangereux « suspect », promu « mis en cause », puis « intéressé », n’était pas aussi dangereux qu’il le paraissait, puisqu’il « a quitté les lieux sans incident »….

Pour quelle raison « l’intéressé » ne possédait-il pas « l’intégralité de ses facultés mentales » ?

La réponse est indiquée dans le dernier paragraphe du rapport : l’intéressé a « à nouveau refusé de signer le document à son attention ».

Autrement dit, si un juge d’instruction, contrarié par une plainte contre X, fait convoquer la partie civile par un commissariat pour lui faire signer un formulaire de désistement, et que la partie civile refuse de signer ce formulaire de désistement, cela signifie désormais que la partie civile ne possède plus « l’intégralité de ses facultés mentales » !

D’autres éléments sont plus inquiétants que le style (involontairement ?) sarcastique du rapport de police du 15 novembre 2001 :

  • la convocation du 13 novembre 2001 avait été ordonnée par un juge d’instruction, ce qui est contraire aux règles de procédure et le juge d’instruction, lui, ne pouvait l’ignorer ;
  • l’arrivée rapide de plusieurs véhicules de police et la présence d’une dizaine de policiers signifient qu’une mise en scène avait été organisée afin de faire comprendre à « l’intéressé » que sa plainte du 29 novembre 1999 dérangeait non seulement les forces de police, mais aussi le juge d’instruction, et qu’une rétractation pourrait lui éviter des ennuis ultérieurs ;
  • la présence de deux résidents devant l’entrée de mon immeuble (ils attendaient mon arrivée en ricanant ; s’ils avaient déjà été informés de l’exploit de leurs collègues du commissariat, c’est peut-être qu’ils faisaient partie du groupe de personnes qui avaient planifié la mise en scène) ;
  • l’allusion aux « facultés mentales » de « l’intéressé », et la formule « dangereux pour lui-même pour autrui ».

Cette formulation (« dangereux pour lui-même pour autrui ») est un terme juridique, à la signification très précise, issu du code de la santé publique, dans le chapitre consacré à l’hospitalisation d’office, c’est-à-dire l’internement psychiatrique sans consentement du patient (articles L. 3213-1 à L. 3222-1-1, ainsi que L. 3211-11 et L. 3211-11-1).

Avec le recul des années, il est possible de réaliser avec consternation que, dès le 14 novembre 2001, certains délinquants institutionnels avaient déjà planifié la garde à vue du 23 mars 2004 et la violation du domicile du 20 décembre 2005.

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