Le 25 janvier 1985, un haut fonctionnaire du ministère de la Défense est abattu devant son domicile.
À l’issue de l’enquête, l’assassinat est attribué à un groupe armé extrémiste dénommé « Action directe ». Les auteurs de l’infraction sont arrêtés le 21 février 1987, puis jugés et condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. (Certains d’entre eux bénéficient depuis 2007 d’un régime de semi-liberté ou de libération conditionnelle.)
La victime occupait un poste important : directeur des affaires internationales à la Délégation générale pour l’armement. La France est un pays qui fabrique des armes de guerre en grande quantité : une partie de la production française est exportée. L’activité professionnelle de ce haut fonctionnaire consistait à contrôler les ventes de ces armes de guerre à divers pays étrangers.
Afin d’éviter que d’autres hauts fonctionnaires chargés de missions délicates ne disparaissent dans les mêmes circonstances, l’État réagit en regroupant ces salariés dans des villages, des quartiers pavillonnaires ou des immeubles surveillés grâce à un double dispositif : des protections électroniques et une surveillance humaine.
Les protections électroniques se sont perfectionnées au fil du temps, grâce à la technologie numérique, à l’informatique et aux ondes hertziennes. Dans un périmètre donné, il est possible d’identifier le porteur d’un badge, d’un téléphone cellulaire, d’une carte téléphonique, d’une télécommande de parking, d’un titre de transport. Le confort de ces fonctionnaires de l’État a un coût : la vie privée de 65 millions de citoyens est bafouée, alors que les sympathisants et les militants des groupes armés extrémistes ne sont que quelques dizaines ; et les personnes électro-sensibles subissent continûment des désagréments.
La surveillance humaine consiste à positionner continuellement des vigiles à proximité des maisons ou des immeubles, quelle que soit l’apparence de ces vigiles : cyclistes, piétons, « promeneurs de chiens », qui tournent inlassablement autour des habitations à protéger. (Mais les promeneurs de chiens disparaissent à la moindre averse, ou lors des gelées hivernales, ce qui amoindrit considérablement l’efficacité de ce dispositif, par ailleurs peu discret.)
Bien sûr, l’État se montra peu loquace au sujet de ces mesures de protection, qui ne furent pas divulguées. Le grand public resta dans l’ignorance.
Les fonctionnaires de l’État de niveau intermédiaire, mais chargés de missions spécifiques (brigades d’interventions urgentes de tout calibre) bénéficièrent des mêmes avantages.
Les très hauts fonctionnaires chargés de missions délicates, peu nombreux, ne sont pas les seuls à exiger des mesures de protection, même contraires aux libertés fondamentales des autres citoyens. Au moins deux autres corporations, à l’effectif considérable, profitent de mesures de protection équivalentes :
- les personnes qui bénéficient d’une réinsertion sociale contrôlée par un juge d’application des peines (régime de semi-liberté ou de libération conditionnelle) ou d’une médiation pénale contrôlée par un procureur, et qui sont quelquefois assignées à résidence dans des logements gérés par des prête-noms du ministère de la Justice ;
- les minorités religieuses ou ethniques qui se croient persécutées, et qui parfois le sont véritablement ; ces communautés se regroupent discrètement dans les mêmes immeubles, quartiers pavillonnaires ou villages, afin de vivre « entre coreligionnaires », c’est plus rassurant pour les membres de ces minorités.
Ces deux derniers groupes sont plus nombreux : un dispositif logistique de grande ampleur et néanmoins bancal a été mis en place au fil des années, mais l’État se montra peu loquace à ce sujet. Dans chaque département, on trouve plusieurs immeubles, quartiers pavillonnaires ou villages surveillés grâce au double dispositif déjà évoqué (protections électroniques et surveillance humaine).
La mise en ouvre de ce dispositif, destiné à soulager les angoisses sécuritaires de ces privilégiés de la République, peut causer d’immenses dégâts collatéraux : lorsque des citoyens ordinaires, mal conseillés, acquièrent de bonne foi un bien immobilier dans un secteur réservé où ils ne sont pas les bienvenus, ils sont alors obligés d’assumer indéfiniment les désagréments causés par l’État : préjudice financier irréparable, vie quotidienne bouleversée, vie professionnelle anéantie.
Un investissement immobilier, qui nécessite presque toujours de s’endetter pour plusieurs années, ne peut être remis en cause. Il ne suffit pas d’ordonner au gêneur : « vous n’avez qu’à vendre votre bien à moitié prix et déménager » !
Un citoyen ordinaire représente une gêne pour un tel dispositif sécuritaire, ce qui implique (c’est le point de vue des gens qui gèrent un tel système) une surveillance continue de l’indésirable, qui se retrouve ainsi traité comme un « détenu particulièrement surveillé », alors qu’il n’a rien commis de répréhensible, qu’il n’a été condamné par aucun tribunal, qu’il ne se doute de rien pendant plusieurs années.
Lorsque l’indésirable finit par comprendre ce qui lui arrive, il tente, c’est bien normal, de faire valoir ses droits. Il se voit contraint, malgré lui, d’ester en justice, et constate avec étonnement que des jugements de pacotille s’amoncellent dans sa boîte aux lettres, que les dommages et intérêts obtenus par les comparses des services régaliens de l’État atteignent plusieurs dizaines de milliers d’euros. Si ce vol d’apparence légale ne suffit pas, les services régaliens de l’État passent à l’étape suivante : l’employeur du gêneur est invité à interrompre le versement du salaire, et la victime de l’escroquerie étatique se retrouve sans revenu.
Les privilèges à protéger lui paraissent tellement importants que l’État se garde bien d’appliquer à lui-même le grand principe du droit pénal (« les casseurs sont les payeurs ») qu’il applique impitoyablement aux petits truands, voleurs de mobylettes et petits fraudeurs de tout crin. Le citoyen ordinaire piégé dans un tel endroit sera impitoyablement laminé : l’État ne lui proposera aucun moyen d’améliorer sa situation.
Et les médias ne s’intéressent pas à un tel scandale.
En réalité, de telles mesures de protection, qui ne profitent qu’à quelques-uns, exigent une rigueur incompatible avec l’amateurisme observé à Maisons-Alfort (avenue Léon Blum et rue Médéric) : il est pernicieux de piéger un citoyen ordinaire dans un tel immeuble, de lui imposer des contraintes ou des nuisances injustifiées, puis de lui refuser toute solution alternative. Les services de l’État, qui sont fautifs, ne peuvent se plaindre que le citoyen lésé invoque la Constitution, s’efforce de faire valoir ses droits, et demande à être indemnisé de tous préjudices.
- [https://]fr.wikipedia.org (mise à jour du 12/12/2015 à 13h30)
- [http://]www.anarchisme.wikibis.com (article consulté le 05/03/2016)