Mardi 7 juin 2016, le conseil des prud’hommes de Paris a condamné la banque Société Générale à verser 455 000 euros, dont 80 000 euros payables immédiatement, à son ancien salarié Jérôme KERVIEL. La juridiction a considéré que l’employeur avait connaissance des manquements qu’il a reproché par la suite au salarié, et qu’il aurait dû, conformément au code du travail, engager des poursuites disciplinaires au plus tard deux mois après avoir pris connaissance du fait fautif.
L’avocat de la banque, M. Arnaud CHAULET, a annoncé qu’il ferait appel, parce que le conseil des Prud’hommes de Paris aurait dû, selon lui, respecter les décisions de la Cour de cassation. Celle-ci avait validé antérieurement les condamnations pénales de M. Jérôme KERVIEL.
- [http://] fr.reuters.com (article du 07/06/2016 – 14h00)
- [http://] www.lepoint.fr (article du 07/06/2016 – 15h31)
- [http://] www.lemonde.fr (article du 07/06/2016 – 16h20)
La Cour de cassation est une juridiction de cassation, c’est bien vrai. Et les juridictions placées sous sa responsabilité devraient respecter ses décisions, c’est vrai aussi. Mais il ne faut pas oublier :
- que la Cour de cassation n’est pas infaillible, elle s’est déjà trompée plusieurs fois ;
- qu’il est arrivé au moins une fois qu’un de ses juges soit inculpé (mis en examen) dans une affaire de corruption présumée ;
- qu’une chambre civile de la Cour de cassation a déjà déclaré un pourvoi « irrecevable d’office », avec 2 000 euros d’amende (!) ;
- que la jurisprudence de la Cour de cassation est moyenâgeuse dans de nombreux domaines ; par exemple, en matière de copropriété, le principe juridique « c’est voté, il faut payer », qui découle de ses arrêts de règlement relatifs au calcul des charges de copropriété, est peut-être cohérent et justifié d’un point de vue juridique, mais concrètement il est surtout un message d’impunité adressé aux syndics véreux qui falsifient de manière répétée les appels de fonds trimestriels, afin d’extorquer des fonds au moyen de prétendus « jugements » qui « respectent les décisions de la Cour de cassation » ;
- que la jurisprudence des prud’hommes, même si elle prend quelques libertés par rapport aux oukases de la Cour de cassation, est plus adaptée à la réalité à laquelle sont confrontés quotidiennement les justiciables ; par exemple, en matière de copropriété, les prud’hommes estiment à juste titre que, dans le cas où une copropriété embauche un gardien (ou un couple de gardiens) alors que les travaux d’entretien pourraient à moindre coût être confiés à une entreprise extérieure, la mission principale de ce gardien est alors de surveiller les parties communes ; faillir à cette mission est une faute professionnelle grave.
Les prud’hommes ont raison : quand une voiture, toujours la même, est vandalisée continuellement dans un garage souterrain, clos, couvert et surveillé en permanence par le gardien et ses amis de la police et de la gendarmerie, il est scandaleux que les auteurs de l’infraction invoquent la jurisprudence de la Cour de cassation (« c’est voté, donc il faut payer les charges ») afin d’obliger, au moyen de jugements de complaisance, le copropriétaire lésé à rémunérer les auteurs d’infractions pénales répétées.